En 2022, après deux décennies de tendance à la baisse, les taux des crédits immobiliers ont fortement augmenté. Une tendance qui va se poursuivre en 2023 dans la lignée des dernières annonces de la Banque Centrale Européenne (BCE). Dans ce contexte de hausse des taux, est-ce le bon moment de faire un investissement locatif ?



Note : Les taux d’intérêt avaient baissé en tendance en France depuis 2009. Les taux de crédit immobilier moyens (pour les particuliers) hors assurance étaient passés de 5% début 2009 à un peu plus de 1% fin 2021 (source : Observatoire du Logement). Ce qui résulte d’une politique accommodante de relance économique, initiée par la BCE après la crise des « subprimes ».
1. Perspectives de hausse durable des loyers
1.1. L’effet stimulant de l’inflation
Explications
2022 a été marquée par le retour de l’inflation en Europe, que la BCE a cherché à contenir en augmentant consécutivement et à quatre reprises (hausse de 250 points de base au global en 2022) ses taux directeurs.
Cette hausse généralisée des prix (inflation) en France a atteint un rythme annualisé de +6,2% en novembre 2022 (source INSEE). Dans ce contexte, plusieurs facteurs ont eu un effet favorable sur la demande locative.
- Revalorisations salariales dans la plupart des entreprises (favorisées par un contexte de pénurie de main d’oeuvre) à partir du premier semestre 2022 ;
- Revalorisation des prestations sociales (APL, allocations familiales…) ;
- Hausse du SMIC (indexé sur l’inflation).
L’Indice de Référence des Loyers (IRL) a ainsi été fixé +3,5% au T3 2022 par l’INSEE.
Perspectives moyen-terme
Ce contexte inflationniste devrait perdurer à moyen terme, pour plusieurs raisons.
- Tensions durables sur les matières premières ;
- Hausse de la population mondiale (~+2 Mds à horizon 2050). Ce qui crée une inflation importée en France ;
- Investissements colossaux à réaliser dans la transition énergétique dans les décennies à venir.
L’objectif de la BCE n’est d’ailleurs pas de ramener l’inflation à 0 mais à un niveau moyen-terme de +2%. Et de nombreuses voix (notamment l’ancien Prix Nobel d’économie P. Krugman) militent pour une cible d’inflation plus élevée, à +3%.
Cette situation de hausse généralisée des prix va continuer d’avoir un effet d’entraînement sur les loyers en France.
1.2. L’impact de la nouvelle réglementation DPE
Durcissement des conditions de location…
La loi Climat de 2021 interdit progressivement à la location les logements les moins biens isolés, selon le nouveau Diagnostic de Performance Énergétique (DPE) introduit au 1er juillet 2021.
A compter du 1er janvier 2025, les logements classés G seront considérés comme indécents et interdits à la location. De même pour les logements classés F à partir du 1er janvier 2028.
Ces « passoires thermiques » (F et G) constituaient 17% du parc locatif en France en 2022 (source Les Echos).
S’il y a actuellement des critiques sur le mode de calcul et la fiabilité des DPE, le fond du problème demeure : un très grand nombre de logements en France sont peu ou pas isolés.
Qui va faire sortir de nombreux logements de l’offre locative
Les rénovations énergétiques ont un coût. Selon le niveau d’isolation de départ, la superficie du logement, son mode de chauffage, l’étage concerné, l’emplacement…le coût d’une rénovation énergétique pour obtenir une lettre D peut dépasser 15k€ par logement.
Les propriétaires qui n’auront pas les moyens de réaliser ces travaux vont vendre leur logement (voir l’effet prix décrit plus bas) ou les sortir du marché locatif.
Cette raréfaction de l’offre (-10% de logements sur le marché locatif en 2022) va faire pression à la hausse sur les loyers.
1.3. L’accès freiné à la propriété dope la demande locative
L’effet cumulé de la hausse des taux et du durcissement des conditions d’emprunt depuis le 1er janvier 2022 a freiné fortement l’accès à la propriété.
Associé à un niveau de prix (rapporté au revenu disponible des ménages) qui reste très élevé dans la plupart des grandes villes françaises.
En conséquence, la part des locataires va repartir à la hausse et faire pression (au moins à court terme) sur la demande de logements à louer et donc sur les loyers.
1.4. Autres facteurs de hausse
D’autres facteurs vont continuer de stimuler durablement la demande locative, dans un pays où l’offre de logements est fortement contrainte et historiquement déficitaire.
- Hausse de la population ;
- Augmentation du nombre de ménages (divorces…) ;
- Développement du télétravail (les locataires demandent des surfaces plus grandes).
1.4. Conclusion
Les niveaux de loyers vont être durablement tirés à la hausse en France. Ils sont pour l’instant contenus par différents mécanismes d’encadrement : IRL, plafonnement des loyers dans certaines villes.
Mais hormis dans les grandes villes soumises à ce plafonnement, les niveaux de loyers vont rattraper leur niveau de marché au moment des départs de locataires et remises en location.
Compte tenu de l’objectif d’inflation à +2% à moyen-terme martelé par la BCE et des autres facteurs cités plus haut, une hypothèse de hausse annuelle de +2,5% des loyers sur 10 ans dans les villes moyennes et grandes semble réaliste. Cela équivaut à une augmentation de 22% des loyers sur la période.
Note : la hausse des loyers ne sera pas uniforme géographiquement. La capacité à revaloriser les loyers dépendra des réglementations en vigueur localement (plafonnement des loyers dans certaines grandes métropoles), de la tension locative locale, de la qualité de votre bien (emplacement, performance énergétique…) etc.
2. Vers un ajustement des prix à la baisse en 2023
2.1. L’effet de la hausse des taux + resserrement conditions emprunts
Le resserrement drastique des conditions d’emprunt depuis le 1er janvier 2022, que je décris ici, pèse fortement sur la capacité des particuliers à financer leurs projets immobiliers. Et fait donc pression à la baisse sur les prix de vente.
C’est le principal moteur de la baisse des prix en 2023. Qui a déjà commencé au S2 2022, notamment à Paris et Lyon. Et qui se traduit fin 2022 par un recul généralisé du nombre des transactions (les vendeurs ne trouvent plus aussi facilement preneur).
Cela laisse présager d’une poursuite de l’ajustement à la baisse en 2023 lorsque les vendeurs contraints devront s’aligner sur la demande.
2.2. L’effet de la mise sur le marché des passoires thermiques
De nombreux propriétaires ne pourront pas réaliser les rénovations énergétiques nécessaires. Ce qui va augmenter l’offre de logements à la vente.
Par effet d’anticipation des régulations à venir, cet arbitrage pourrait avoir lieu dès cette année pour une bonne partie des logements concernés par les interdictions à venir en 2025 et 2028.
Cela va faire pression à la baisse sur les prix en 2023.
2.3. Conclusion
Je pense que la correction sera plus forte dans les villes où l’indice des prix rapporté au revenu disponible des ménages a le plus augmenté ces 20 dernières années. Paris et Lyon en tête. Où la baisse pourrait dépasser -5% en 2023. Voir à ce sujet mon analyse basée sur les travaux de J. Friggit.
Note : l’impact de la baisse des prix selon les villes est difficile à prévoir. Je pense que les villes secondaires aux prix attractifs pourraient bénéficier d’un regain d’intérêt. 1/ d’investisseurs cherchant à compenser le renchérissement du coût du crédit par un meilleur rendement locatif. 2/ de primo accédants cherchant pour les mêmes raisons des villes plus accessibles. Ces villes pourraient connaître un repli de prix beaucoup plus limité voir nul.
3. Analyse comparée 2021 vs. 2023 en terme de cash flow locatifs
Voici ci-dessous un tableau montrant les conséquences, pour un même achat locatif, du changement des perspectives de taux / inflation entre 2021 et 2023. Avec des hypothèses simplifiées.
- Le cas 1 s’apparente au contexte taux / inflation que l’on pouvait projeter en 2021. L’inflation projetée est à +0% et le taux de crédit à +1,5%. Les cash flow nets sont négatifs.
- Le cas 2 s’apparente au contexte taux / inflation que l’on peut projeter début 2023. L’inflation de loyers est projetée à +2,5%/an et le taux de crédit à +3%. Le rythme d’inflation annuel étant dans ce cas supérieur au taux du crédit contracté à l’achat, le poids des mensualités en proportion des loyers baisse chaque année. Malgré la hausse proportionnelle des « autres charges ». Et on atteint une situation de cash flow nets positif en année 4.



A noter que le montant de charges estimées (30% des loyers) tient compte de l’inflation. Il est donc plus élevé dans le cas 2.
Conclusion
La hausse du coût du crédit depuis 2022 amène les taux actuels à un niveau qui reste historiquement bas. Et qui est en 2023 largement compensés par :
- les perspectives de revalorisation significatives et durables des loyers ;
- de meilleures négociations possibles à l’achat en 2023 avec le durcissement des règles d’octroi de crédit.
Le nerf de la guerre actuellement est la possibilité d’obtenir un crédit.
Pour les investisseurs qui ont la capacité de financement nécessaire, les conditions de marché en 2023 sont selon moi excellentes.
J’accompagne des particuliers dans la réalisation d’investissements locatifs de qualité. Une partie de mon accompagnement consiste à conseiller durant la phase de négociation et de recherche de financements. En m’appuyant sur mon expérience d’investisseur et ma connaissance du marché local. Un projet d’investissement locatif en 2023 ? Ecrivez-moi ici et parlons-en.